Dans un joyeux désordre chronologique, Colette raconte ses souvenirs d’enfance, un peu d’adolescence, et certains de sa vie d’adulte, autour de sa famille et surtout de sa mère, Sido, si maternante, angoissée, virevoltante, au caractère bien trempé, toujours en activité dans la maison ou avec ses livres, ou dans son beau jardin, toujours vêtue de son grand tablier bleu rafistolé de partout, aux poches remplies de graines, de boutures, d’outils et autres merveilles.
Colette nous plonge dans l’ambiance familiale chaleureuse de la maison de son enfance, dans un petit village de l’Yonne, ses grands frères et soeurs, son père, au pas d’amputé singulier, homme plein de rêves pour la société, si posé, aimant profondément sa fougueuse femme et ses enfants.
Certains chapîtres sont également concentrés sur de beaux portraits d’habitants de la campagne, ou d’animaux.
Les anecdotes sont drôles, comme l’attitude de Sido à la messe, qui terrosise le curé, ou plus graves, comme le déclin, la maladie, la mort. Les souvenirs sont riches, précis, emplis de sensualité champêtre, comme le mariage campagnard chez les employés, mais aussi de sensualité animale et végétale, si particulière à Colette, qui savait observer ce qui en valait vraiment le coup.
Colette nous laisse des traces de vie intemporelles, riches d’amour et de respect pour l’univers, l’homme et la nature, et qu’est-ce que c’est bon de plonger dans cette trentaine de courts chapîtres qui se dégustent comme de petites bouchées dont on découvre la saveur et la temporalité à chaque fois, qui font la surprise quand aux scènes, personnages et époques, des bouchées qui laissent toujours une trace en soi. C’est tout bonnement délicieux, presque incroyable.
C’est un magnifique récit autobiographique, une ode à sa mère, à la famille, à l’amour universel. On sent que Colette l’a écrit tard, à 49 ans. Il s’en dégage beaucoup de maturité et de recul, mêlés à des transcriptions de souvenirs d’enfance très précis, anecdotiques mais fondamentaux, des souvenirs dans leur jus et les mots d’alors, sans analyse, en zoomant juste sur les perceptions, ce qui renforce la puissance et l’intemporalité du récit, et résonne forcément dans les souvenirs et émotions du lecteur.
Car Colette traite ici des petites et grandes choses que l’enfant ne peut comprendre, juste toucher, et que l’adulte qui à présent sait accueille, respecte, restitue et revit car là réside la vie et sa fraîcheur.
À lire et à relire.