Dernier titre de Michel Houellebecq, paru en janvier 2022 (me suis ruée dessus)
Paris, 2027, à quelques semaines de l’élection présidentielle.
Paul, bientôt la cinquantaine, solitaire, un brin dépressif, exerce un poste haut placé au Ministère de l’Économie et des Finances. Il est devenu intime avec Bruno (tiens, tiens…), le ministre, un homme d’intelligence et de culture dingues, loyal, bosseur, humble, gentil, qui a fait un sacré bon boulot durant le quinquennat.
Bruno est amené très certainement à des fonctions plus hautes et stratégiques si son parti parvient à remporter encore une fois l’élection contre le Rassemblement National, mais ça s’annonce très serré, c’est pas gagné, brrr…
Paul est un peu perdu. Sa femme, également haut fonctionnaire, adepte du mouvement Wicca et autres trucs ésotériques farfelus et surtout à la mode, s’éloigne. Il ne sait pas quoi faire pour la reconquérir.
Paul voit rarement sa famille, son père retraité de la DGSI, veuf remarié qui file le grand amour avec une jeune femme dévouée, sa soeur bigote femme de notaire au chômage, tous deux pro RN, son petit frère, secret et fragile, restaurateur d’art et marié à une journaliste peste et intéressée, que toute la famille s’accorde à détester.
La vie de Paul va être bouleversée par l’AVC soudain de son père, qui va réunir la famille.
Ce roman est une plongée fascinante dans les arcanes du pouvoir et le jeu des élections, dans un monde où une nouvelle forme de terrorisme destabilise les grandes puissances, dans les malheurs et les joies d’une famille éparpillée qui va vivre de sacrés évènements. 730 pages de rebondissements absolument passionnants, effrayants, espiègles et drôles parfois.
« Anéantir » est roman d’anticipation vraiment trés fin et bien construit, qui accroche d’emblée par ses personnages très humains, touchants, porté par une plume acerbe mais posée, emplie d’une tendresse pour le monde et la vie que l’on a pas l’habitude de sentir à ce point chez l’auteur (dans ses précédents romans c’est juste palpable sous l’ironie et les provocations, cet amour des gens et de la vie, du moins moi je l’ai toujours senti), là c’est carrément assumé, avec l’apaisement qu’on sent de paire, j’ai aimé.
À travers cette dense chronique familiale et politico-électorale, Michel Houellebecq nous offre de profondes réflexions philosophiques sur la société, la condition humaine, la famille, l’amour, la sexualité, la fin de vie, j’ai particulièrement aimé la partie où il dénonce les conditions horribles, qu’il qualifie proches de l’euthanasie, dans les EHPAD, çà résonnait tellement avec l’actu du moment, c’en était glaçant. Et ce réseau d’activistes qui s’est organisé en secret sur le territoire pour exfiltrer les personnes âgées de ces mouroirs, c’était absolument truculent.
Très fin observateur de son temps, l’auteur dénonce les travers de notre monde contemporain mais parvient à en retirer ce qu’il y a de beau et d’essentiel et c’est quelque chose de bon et de doux que j’ai ressenti en refermant les 730 pages, chouette ressenti.
Allez, juste un petit truc qui m’a déplu, hormis le poids de la pavasse qui m’a fait frôler la tendinite, ce sont les descriptions des rêves de Paul, bien bien barrés, qui m’ont pas mal ennuyées, mais on sent que l’auteur s’est fait plaisir à laisser libre court à son imagination débridée et à ses angoisses profondes, c’est la ptite touche houellebecquienne qui, il faut l’avouer, aurait manqué.