Cet étrange et singulier roman raconte la vie d’un enfant japonais orphelin, élevé par ses grands-parents pauvres, un enfant physiquement différent car venu au monde avec les lèvres soudées, il en garde des stigmates malgré une opération qui lui permet de parler.
Très solitaire, cet enfant préfère interagir en pensées avec des êtres disparus, comme une éléphante de cirque à qui il aimait rendre visite avec sa mère, ou sa petite voisine décédée, qu’il imagine coincée entre les murs de leurs maisons mitoyennes. À 11 ans, la croissance physique de l’enfant s’arrêtera.
Cet enfant singulier va faire la rencontre d’un homme différent lui aussi, un homme obèse qui vit dans un bus aménagé. Patient, passionné et profondément gentil, cet homme va lui transmettre sa passion des échecs et l’enfant va s’avérer sacrément doué.
Toutefois, l’enfant a une spécificité : il ne peut jouer que caché. Ses sens très développés lui permettent de savoir ce que joue l’adversaire rien qu’au bruit du glissement des pièces sur l’échiquier.
Devenu jeune adulte, son talent sera repéré et il se fera exploiter par un club de jeu qui développera une sacrée arnaque : une machine réputée infaillible aux échecs, une machine à l’intérieur de laquelle travaillera, recroquevillé, le petit joueur d’échecs.
Caché, inconnu de tous car assimilé à la machine, il rencontrera un succès immense, sera adulé dans être connu, traitement très subtil des thématiques de l’humilité et de la solitude.
Le petit joueur d’échecs sera amené plus tard à s’affirmer et refuser certaines pratiques, à construire lui-même son destin.
J’aime beaucoup les romans étranges, décalés et très oniriques de l’auteure japonaise Yôko Ogawa, tout comme j’apprécie sa plume limpide, sensible et très poétique qui sait saisir en profondeur la psychologie des personnages.
Ce roman presque conte traite habilement de la différence, de l’amitié, de la loyauté, de la transmission et de la disparition. Toutefois, il est beaucoup plus triste que les autres romans de l’auteure. Il est même très triste. La vie du personnage principal est marquée par les disparitions successives des personnes auxquelles il est le plus attaché.
De plus, il y a énormément de très longues scènes de parties d’échecs, extrêmement détaillées, ainsi que beaucoup de descriptions techniques de la machine, qui apportent peu au propos et qui pour ma part m’ont prodigieusement ennuyée et laissé vers la fin juste une sensation de grande longueur, avec une forte hâte que le roman se termine.
C’est vraiment dommage car cela gâche la si belle plume, la merveilleuse sensibilité et l’ambiance si originale, décalée, du roman.
Ce n’est pas du tout le meilleur roman que j’aie lu de Yôko Ogawa (le dernier lu, « Les tendres plaintes », était vraiment génial), même si je me suis tout de même plutôt régalée à retrouver la plume et surtout l’ambiance si particulière que sait instaurer l’auteure.