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Archives de Catégorie: littérature japonaise

Le Petit Joueur d’échecs, de Yôko Ogawa (2009 Japon/2013 France)

05 jeudi Mai 2022

Posted by Roseleen in avis de lecture, lecture, littérature japonaise

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Cet étrange et singulier roman raconte la vie d’un enfant japonais orphelin, élevé par ses grands-parents pauvres, un enfant physiquement différent car venu au monde avec les lèvres soudées, il en garde des stigmates malgré une opération qui lui permet de parler. 

Très solitaire, cet enfant préfère interagir en pensées avec des êtres disparus, comme une éléphante de cirque à qui il aimait rendre visite avec sa mère, ou sa petite voisine décédée, qu’il imagine coincée entre les murs de leurs maisons mitoyennes. À 11 ans, la croissance physique de l’enfant s’arrêtera.
Cet enfant singulier va faire la rencontre d’un homme différent lui aussi, un homme obèse qui vit dans un bus aménagé. Patient, passionné et profondément gentil, cet homme va lui transmettre sa passion des échecs et l’enfant va s’avérer sacrément doué.
Toutefois, l’enfant a une spécificité : il ne peut jouer que caché. Ses sens très développés lui permettent de savoir ce que joue l’adversaire rien qu’au bruit du glissement des pièces sur l’échiquier. 
Devenu jeune adulte, son talent sera repéré et il se fera exploiter par un club de jeu qui développera une sacrée arnaque : une machine réputée infaillible aux échecs, une machine à l’intérieur de laquelle travaillera, recroquevillé, le petit joueur d’échecs.
Caché, inconnu de tous car assimilé à la machine, il rencontrera un succès immense, sera adulé dans être connu, traitement très subtil des thématiques de l’humilité et de la solitude. 
Le petit joueur d’échecs sera amené plus tard à s’affirmer et refuser certaines pratiques, à construire lui-même son destin.

J’aime beaucoup les romans étranges, décalés et très oniriques de l’auteure japonaise Yôko Ogawa, tout comme j’apprécie sa plume limpide, sensible et très poétique qui sait saisir en profondeur la psychologie des personnages. 
Ce roman presque conte traite habilement de la différence, de l’amitié, de la loyauté, de la transmission et de la disparition. Toutefois, il est beaucoup plus triste que les autres romans de l’auteure. Il est même très triste. La vie du personnage principal est marquée par les disparitions successives des personnes auxquelles il est le plus attaché. 
De plus, il y a énormément de très longues scènes de parties d’échecs, extrêmement détaillées, ainsi que beaucoup de descriptions techniques de la machine, qui apportent peu au propos et qui pour ma part m’ont prodigieusement ennuyée et laissé vers la fin juste une sensation de grande longueur, avec une forte hâte que le roman se termine. 
C’est vraiment dommage car cela gâche la si belle plume, la merveilleuse sensibilité et l’ambiance si originale, décalée, du roman. 

Ce n’est pas du tout le meilleur roman que j’aie lu de Yôko Ogawa (le dernier lu, « Les tendres plaintes », était vraiment génial), même si je me suis tout de même plutôt régalée à retrouver la plume et surtout l’ambiance si particulière que sait instaurer l’auteure.

Les Mémoires d’un chat, de Hiro Arikawa

28 vendredi Jan 2022

Posted by Roseleen in avis de lecture, book, japon, lecture, littérature japonaise

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Nana est un jeune chat qui vit dans la rue.  Tout blanc sauf deux petites tâches de couleur, avec une queue tordue au bout, en forme de 7. 

Un jour qu’il se fait renverser par une voiture, Satoru, un jeune homme célibataire du quartier, qui lui refilait souvent des croquettes, le recueille et le nomme Nana, en référence à sa queue (nana signifie 7 en japonais). 

Nana est un chat très affirmé et indépendant, qui a un sacré franc-parler. Il nous raconte sa vie de chaton dans la rue puis sa chouette vie avec Satoru qui s’avère être un super maître.
Mais voilà qu’un jour, après 5 ans de vie commune, Satoru lui annonce qu’il ne peut plus le garder, qu’ils partent ensemble en voyage car il veut présenter à Nana ses amis, ses potentiels nouveaux maîtres. 
Et les voilà partis en road-trip au travers le Japon, à rendre visite aux quelques amis de Satoru, disséminés dans le pays. À chaque étape, Nana écoute son maître parler avec ses proches et découvre ainsi l’histoire de vie de Satoru, marquée bien des choses difficiles, Nana ne s’en serait jamais douté, son maître étant si enthousiaste, gentil avec le monde entier, si sensible et empathique. 

À chaque fois, Satoru ne peut se résoudre à confier son chat qu’il adore, et tous deux repartent en voiture. Nana est ravi de découvrir les beaux paysages du Japon, la mer. Installé sur le siège passager, il se régale des paysages et est heureux de ces instants avec son maître.

Jusqu’à la dernière étape, à Sapporo, où on apprendra pourquoi Satoru est obligé de trouver un nouveau maître à son chat adoré  et c’est absolument bouleversant, le roman prend un autre ton, je ne m’attendais pas à cette explication, j’ai pleuré comme une madeleine sur toute la fin du roman…

« Les mémoires d’un chat  » est un roman très original de par sa forme narrative, laissant la parole à Nana, ou aux humains, où à un narrateur inconnu omniscient. C’est surprenant. La verve et l’analyse féline de Nana des comportements humains en font par ailleurs un roman très drôle. On y découvre aussi pas mal de pans de la sociologie japonaise, c’est une belle immersion. 

Mais c’est aussi et avant tout un roman très prenant, qui traite en profondeur les thématiques de la famille, de l’amitié, de l’adoption, de la force des liens humain-animal et de leur importance pour traverser certaines grosses épreuves de la vie. 

Bien que beaucoup trop remuant pour moi de par la raison qui oblige Satoru à se séparer de son chat, j’ai beaucoup aimé ce ce petit voyage au Japon et adoré les personnages de Nana et Satoru.

Jardin de printemps, de Shibasaki Tomaka

03 mercredi Nov 2021

Posted by Roseleen in lecture, littérature japonaise

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Tokyo, 2014, dans un quartier éloigné du centre. Quelques personnes habitent encore dans un vieil immeuble qui va bientôt être démoli. Les locataires partent uns à uns.

Tarô, le personnage principal, trentenaire divorcé, y vit de façon solitaire, ne sortant de ses rêveries que pour aller travailler. Il pense beaucoup à son père, un homme très spécial, décédé il y a sept ans,  dont il conserve encore les cendres. 

Tarô va sympathiser avec Nishi, autre habitante du vieil immeuble, une créatrice de manga solitaire comme lui, qui boit un peu trop de bière. Nishi est obnubilée par la maison traditionnelle voisine, qu’elle cherche à tout prix à pénétrer. C’est en effet le lieu où a vécu quelques temps un couple d’artistes connus. Elle est fascinée par un livre de photographies qui présente le couple évoluant dans cette maison il y a vingt ans. Nishi veut voir l’évolution de la maison pour la dessiner. Elle va finir par sympathiser avec les nouveaux propriétaires et entraîner Tarô dans sa passion pour cette maison.

L’auteure japonaise Shibasaki Tomoka décrit un monde flottant, centré sur des petits riens enrichis des souvenirs et réflexions de Târo. Elle nous projète dans un entre-deux personnel avec des personnages en transition, mais aussi dans un entre-deux architectural, avec une ville qui évolue au gré des démolitions et constructions, mouvement permanent qui accompagne les vides et remplissages des personnages, c’est très intéressant, donne vie aux instants, lieux, pensées parfois figés. 
Ce court texte de 154 pages interroge subtilement ce qui part et reste dans et de la vie, des proches, de soi, des endroits où l’on transite ou se pose. C’est empli de beauté, de lenteur, c’est très sensitif. Ici, pas d’intrigue, aucune action, juste l’accompagnement de personnes dans leurs petits changements de vie. À conseiller aux contemplatifs amateurs de lenteur et de temps qui s’étire. 

J’ai beaucoup aimé.

Les tendres plaintes, de Yôko Ogawa (1996)

29 vendredi Oct 2021

Posted by Roseleen in lecture, littérature japonaise

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Rukiko, calligraphe à son compte, s’enfuit de Tokyo et de son mari froid et volage. Avec quelques sacs remplis de ses affaires les plus importantes, le taxi la dépose devant le vieux chalet de campagne de sa famille, où quasiment plus personne ne vient.

Elle se balade, travaille beaucoup, se ressource, se remémore son enfance, les joies familiales dans cet endroit, occulte peu à peu la sourde violence conjugale qu’elle a subi. La vieille patrone de l’auberge d’à côté, avec qui elle sympatise, lui apporte ses courses et veille sur elle.

Rukiko va faire la rencontre d’un voisin, facteur de clavecin, de son assistante et de leur vieux chien très affectueux. Avares de paroles, ils vivent en autarcie, se concentrant sur leur travail. Rukiko est fascinée par le travail du bois qu’ils réalisent, par la précision exigée pour sortir le bon son, par la musique jouée par l’assistante. Tous trois vont se lier fortement. Peu à peu, chacun va lever les mystères l’entourant et se révéler à l’autre. Des liens intenses parfois impossibles vont se développer entre ces trois personnages ayant mis l’activité manuelle au coeur de leurs vies pour calmer leurs esprits. Auprès d’eux, Rukiko va apprendre à se connaître mieux,va retrouver la chaleur humaine et la douceur qui manquaient à sa vie, s’affirmer.

Comme toujours avec Yôko Ogawa, l’écriture est très immersive et sensuelle. Les riches personnages solitaires, la nature, l’attachement aux petits détails font vibrer le texte. La forêt, le vent, le bois du chalet qui craque, le bruit du travail de menuiserie, les sonorités du clavecin, la bave du chien, la douce plume de la calligraphe, les plats partagés, les habits bien chauds, les feuilles, la neige, le thé… enivrante écriture.

Un roman de Yôko Ogawa, c’est du bouillon de vie pur, un condensé de culture shinto dans lequel je me replonge toujours avec délices et émotion.

C’est un très beau roman sur la liberté, le retour à soi, le renoncement, le renouveau. J’ai adoré.

 » Instantanés d’Ambre  » de Yôko Ogawa

18 dimanche Juil 2021

Posted by Roseleen in avis de lecture, lecture, littérature japonaise

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Une mère élève seule les quatre enfants nés de sa relation avec un homme marié qui les délaisse. Un jour, la petite dernière tombe gravement malade et décède. La mère se convainc que c’est à cause du chien qui était venu lécher le visage de sa fille, quelques jours avant au parc, chien qu’elle avait ensuite sévèrement amoché à la stupéfaction de tous. On est tout de suite dans la psychologie de cette mère… 

Suite au décès de sa petite fille, elle décide de quitter la région avec ses trois autres enfants, pour s’installer dans la maison que leur père, éditeur d’encyclopédies ayant fait faillite, lui a léguée. Une vieille bâtisse avec un immense jardin arboré entouré de hauts murs de briques.
Pour protéger ses enfants du monde extérieur et de ce chien maléfique qui pourrait les tuer, elle va leur interdire de sortir, leur demander de toujours parler à voix basse et de changer d’identité en les rebaptisant de nouveaux noms que chacun devra choisir dans une des nombreuses encyclopédies laissées par le père, celle des minéraux. L’ainée s’appellera désormais Opale, le second Ambre et le petit dernier Agate. 
Les trois enfants passeront de merveilleux moments dans cette maison et ce jardin, étudiant les encyclopédies le matin, jouant l’après-midi, développant leurs talents artistiques le soir, Opale la danse, Ambre le dessin et Agate le chant.
Ambre, développant à priori une pathologie de la vision, pensera avoir le don de faire vivre sa petite soeur décédée, en la dessinant dans les marges des encyclopédies, puis en la regardant en périphérie de sa vision, au grand bonheur de sa mère qui peut profiter à nouveau de sa petite fille. 
Quand elle ne travaille pas à la cure thermale de la ville où elle fait le ménage, leur mère cuisine et passe son temps à leur coudre des vêtements trop petits et féeriques avec ailes, queues, cornes.
Durant 7 ans, ils vivront ainsi cloîtrés, avec pour seuls apports du monde extérieur un petit chaton et un âne que leur mère ramène chaque année pour qu’il mange les hautes herbes et entretienne le jardin. 
Cet âne, emprunté à un collègue de la mère chaque année à la même époque, sera l’unique repère temporel des enfants. Ceux-ci, ne connaissant rien d’autre et effrayés par l’extérieur, vivront une enfance heureuse, emplie de joies et de jeux, ne se rendant pas compte de la maltraitance que la folie mêlée d’amour de leur mère leur fait vivre.
Mais un jour, un mystérieux marchand ambulant se présente à la porte. Dépassant l’interdit, les enfants le recevront chaque semaine en cachette de leur mère, subjugués par les beaux objets de l’extérieur qu’il leur présente. Ce sera le début de la fin de cette enfance singulière. 
L’histoire de cette fratrie nous est racontée par une narratrice âgée que l’on devine handicapée, qui vit dans le même foyer qu’Ambre, désormais un vieux monsieur aveugle et à la voix chuchotante. Ambre est devenu son ami et lui raconte son histoire, ce procédé narratif est vraiment sympa même si un peu frustrant car on ne saura pas quelle vie Ambre a vécue après cette enfance séquestrée, ni celle de son frère et de sa soeur.
J’ai aimé retrouver l’imaginaire si original, baroque, de Yôko Ogawa, la poésie sur fond angoissant qui caractérise son oeuvre, et que j’adore. Les thèmes abordés ici, le deuil d’un enfant et la folie, étaient très intéressants. 
Toutefois, c’était bien trop long. Les scènes de jeux d’enfants se répétaient longuement sans rien apporter au récit, ce qui a provoqué  chez moi beaucoup d’ennui et a rendu ma lecture vraiment laborieuse. Les premiers romans de Yôko Ogawa étaient bien plus courts et beaucoup plus intenses et puissants (je recommande le fabuleux  » Christallisation secrète »), c’est vraiment dommage, je suis un peu frustrée de m’être ennuyée sur un roman de Yôko Ogawa, que j’attends toujours avec beaucoup d’impatience.

Le meurtre du commandeur, livre 1, de Haruki Murakami

18 dimanche Avr 2021

Posted by Roseleen in haruki murakami, lecture, littérature japonaise

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Jean-Pierre 🐾, toujours dans les bons plans sieste… il me pique mon fauteuil dès que j’en ôte mon fessier.

Un peintre, portraitiste assez reconnu dans le milieu, voit sa vie s’effondrer lorsque sa femme lui annonce qu’elle le quitte, après six heureuses années de mariage.

Il prévient son agent qu’il va faire un gros break, qu’il ne prendra plus de commandes pendant un moment, et quitte Tokyo au volant de son antique 205 Peugeot (NB, conduire une 205 Junior au Japon, mammamia…çà, çà doit être une expérience fabuleuse, mais je m’égare…).

Après quelques semaines de nomadisme dans de petites villes côtières, délicieux road-movie dans de petites villes japonaises, il s’installe dans une petite maison perdue dans les montagnes. C’est la maison du père de son meilleur ami, un  peintre âgé très célèbre, parti en résidence médicalisée car atteint de démence. 

Il va y mener une vie simple, entre l’écoute des vieux vinyles du vieux peintre, beaucoup de lecture, de balades dans les forêts alentours. Il reçoit aussi sa maîtresse, une des élèves du cours de peinture adulte qu’il dispense au club local. 

La vie paisible de notre narrateur va être chamboulée par plusieurs évènements. 

Il va d’abord découvrir fortuitement dans le grenier de la maison une toile inédite du maître de peinture chez qui il loge,  un tableau intitulé « le meurtre du commandeur », une toile étrange, violente, fascinante, que personne n’a encore jamais vue à priori, sinon c’est sûr que çà aurait fait le buzz. 

Puis un homme du coin, mystérieux et richissime, le contacte pour lui proposer une folle somme d’argent afin de le persuader faire son portrait.

Et puis voilà que chaque nuit à 2 heures du matin, une clochette va retentir durant une vingtaine de minutes. Le mystère se met progressivement et subtilement en place, c’est truculent.

Haruki Murakami, je suis une fan inconditionnelle, j’ai quasiment tout lu de lui, et je n’ai pas été déçue par cet ouvrage. Comme toujours, il prend le temps de planter le décor, le contexte, les personnages, de déployer l’ambiance. 

Le narrateur explore sa vie, ses failles, ses angoisses,  ses obsessions intimes, c’est fascinant. Les échanges entre les protagonistes sont très intéressants, fouillés, philosophiques, tournant beaucoup autour du processus de création, de la représentation. 

Une plongée recurrente à Vienne, en 1938, au coeur de l’Anschluss, est passionnante. Le vieux peintre y a en effet vécu quelques temps avant de rentrer subitement au Japon, de se réfugier dans cette maison au coeur des montagnes puis de changer radicalement de style de peinture, passant de la peinture moderne au Nihonga, peinture japonaise traditionnelle. Les éléments d’une fascinante histoire se mettent peu à peu en place et on ne sait pas bien où çà va nous mener, avec Murakami tout peut arriver, faut se laisser flotter.

L’écriture est riche et limpide, comme toujours ponctuée de magnifiques reférences musicales, cette fois-ci classiques (il nous a plus habitués au jazz, sa passion, çà change, c’est chouette), on se laisse porter lentement par le quotidien et les petites aventures du personnage principal, que l’on pressent comme de grandes aventures en devenir. 

Comme d’habitude, un petit évènement surnaturel va surgir, amplifiant le mystère, instaurant une fine poésie avec un aspect drôlatique extra.

Bref, j’ai adoré ce livre 1, intitulé « une idée apparaît » et c’est une grande joie de savoir que le livre 2 m’attend sagement sur mes étagères.

Soudain, j’ai entendu la voix de l’eau, de Hiromi Kawakami

31 mercredi Mar 2021

Posted by Roseleen in lecture, littérature japonaise

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J’aime la plume et les histoires sentimentales si peu ordinaires de l’auteure japonaise Hiromi Kawakami.

« Les années douces », racontant la relation entre une jeune femme et un vieux professeur d’université, a marqué ma vie de lectrice. Les sensations, tout comme les personnages, sont comme gravés en moi, c’est très rare car j’ai peu de mémoire, je ne me souviens que rarement des personnages et des histoires de mes lectures, bien souvent ne me restent que quelques sensations, parfois rien. C’est d’ailleurs pour celà que je fais des chroniques, à la base : pour me rappeler moi-même de mes lectures.

Retour à nos moutons. Dans ce roman, au titre sublime, on suit Miyako et Ryo, un frère et une soeur qui se sont perdus de vue durant leur vie adulte et se retrouvent vers la cinquantaine, en 2013.  Ryo a échappé de peu à l’attentat au gaz sarin du métro de Tokyo, il en reste très tourmenté. Miyako est graphiste indépendante et vit seule après quelques relations qui n’ont jamais duré. 

Le frère et la soeur se rapprochent, se remémorent le bon temps, puis décident de s’installer ensemble dans la maison de leur enfance, inoccupée depuis le décès de leur mère quelques années auparavant. Ils étaient très liés durant leur enfance, choisissant de dormir dans la même chambre, une chambre décorée de leurs dessins du sol au plafond, une pièce restée telle qu’elle dans la maison, mais désormais fermée à clé.

Installée dans la maison, les souvenirs d’enfance et d’adolescence de Miyako ressurgissent en vrac. Elle nous les livre tels qu’ils viennent, nous laissant composer le puzzle d’une famille d’apparence normale, joyeuse, mais construite sur d’importants secrets, une famille dans laquelle des limites ont clairement été franchies. 

C’est un roman extrêmement troublant où l’auteure décrit tout en douceur, poésie et même tendresse, des faits non naturels, qui heurtent forcément. C’est très dérangeant. L’auteure cherche-t-elle à montrer que leur étrange filiation, longtemps cachée à Ryo et Miyako, explique les faits ? Ceux-ci sont-ils plutôt naturels et spontanés ? L’auteure nous balade entre ces deux hypothèses au fur et à mesure des révélations, c’est passionnant tout autant que glaçant.

J’ai adoré ce roman traitant de la construction de l’identité au sein de la famille.

Attention : les faits décrits et surtout la façon dont ils le sont, tout en beauté, peuvent vraiment heurter certaines sensibilités.

Écoute le chant du vent

18 mercredi Nov 2020

Posted by Roseleen in lecture, littérature japonaise

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« Tiens, tu connais ? Çà devrait te plaire… », me dit collègue-amie, me tendant l’ouvrage. Masquées, en présentiel, on se refile en douce de délicieux produits non essentiels mais qui permettent de tenir : livres, amandes, clémentines, thés, chocolats.

Boudiou ! Un Murakami que j’ai pas lu ! Joie.

Il s’agit des deux premiers écrits de l’idole, rédigés à la fin des années 70, au petit matin sur sa table de cuisine, quand il rentrait du petit club de jazz qu’il venait d’ouvrir à Tokyo.

Dans « Écoute le chant du vent », on suit un jeune étudiant de Tokyo, de retour durant ses vacances d’été dans sa ville natale. Tous les soirs il rejoint son ami d’enfance, « le Rat », un jeune riche oisif et alcoolique, dans un bar de seconde zone où ils boivent et mangent des frites. Un soir entre une femme amputée d’un doigt à la main gauche. On suit les histoires entre ces trois personnages. La magie Murakami prend.
Dans « Flipper », on retrouve un an plus tard le narrateur qui nous raconte sa relation avec une ancienne petite amie qui s’est suicidée, ainsi que sa passion pour un vieux flipper, qu’il cherchera dans tout le Japon. C’est moins structuré et plus glauque, sans réelle histoire, un peu moins agréable.

C’était une lecture bien sympa même si évidemment, c’est beaucoup moins abouti que ses futurs romans. On y trouve déjà les thèmes chers à Murakami : les ambiances de nuit un peu envoûtantes, les bars, les amitiés et amours bizarres. Le style est déjà là : écriture limpide, poétique sans être chargée, références culturelles récurrentes en terme de musique, notamment, et puis la touche surréaliste que j’adore. 

Jeune fille à l’ouvrage

15 mercredi Juil 2020

Posted by Roseleen in avis de lecture, lecture, littérature japonaise, livre, passion lecture, yôko ogawa

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Le repas d’anniversaire d’une vieille tante originale qui vit au fond d’une forêt, un centre d’hébergement où l’on se voit retirer sa « glande ressort » de l’oreille à l’arrivée, une petite fille que l’on présente à un concours de beauté contre son gré, une habituée de bibliothèque qui lit et relit « l’encyclopédie des vers parasites », une  brodeuse silencieuse un centre de  soins palliatifs…

Autant de scènes vie singulières donnant du carburant à dix superbes nouvelles, parues il y a plus de vingt ans au Japon, publiées en France en 2016. 

La plume comme toujours très raffinée, épurée de Yôko Ogawa nous entraîne tout en douceur et pudeur dans les profondeurs de l’être humain, avec comme thèmes centraux la mémoire, la transmission, le respect entre génerations. 

L’auteure nous embarque à certains moments dans du fantastique frisant parfois l’horreur, ça m’a surprise, elle nous a pas habitués à ça, j’ai adoré être remuée comme çà. 

Comme toujours avec ses mots très précis et son attention aux détails rendant le texte ultra sensitif, Yôko Ogawa crée des ambiances très particulières, souvent étranges, des personnages profonds et puissants. 

Je pensais le déguster à petite dose, ce recueil. Me prendre une petite bouffée de magie de temps en temps, quand besoin, le temps d’une nouvelle. Mais non, ça se lit d’une traite, comme un souffle qu’on ne peut interrompre. C’est excellent.

Les dames de Kimoto

20 samedi Juin 2020

Posted by Roseleen in avis de lecture, japon, lecture, littérature japonaise, livre, partage, passion lecture, point lecture, roman

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J’ai passé une fabuleuse semaine auprès de ces dames de Kimoto.  Ce samedi soir, je les quitte à regret.

Dans ce roman, paru en 1959 au Japon, on suit trois générations de femmes : la belle Hana, instruite, élevée dans le plus pur respect des traditions et très attachée à celles-ci, que l’on croit soumise à son mari haut placé mais qui en fait dirige tout ; Fumio, sa fille aînée, rebelle, opposée aux traditions et superstitions, militante feministe, qui entretient avec sa mère un lien très compliqué mais fort ; Hanako, enfin, fille de Fumio, à la santé fragile, très proche de sa grand-mère, s’interrogeant sur le modernisme et les traditions, qui juste après la guerre devra travailler pour payer ses études.

Il y a bien sûr plein d’autres personnages passionnants. Je n’arrivais plus à lâcher les aventures de cette famille de notables de province dont le souci permanent de l’aïeule est de perpetrer le nom dans les plus pures traditions. 

Au-delà d’un superbe tableau sur la condition de la femme dans le Japon de la fin du XIX ème siècle, ce roman m’a appris plein de choses sur sur la société japonaise traditionnelle et les rites familiaux. J’ai adoré. La plume est délicate, les personnages profondément attachants, les réflexions résolument modernes, je comprends pourquoi l’auteure a pu être décrite comme « la Simone de Beauvoir » du Japon. 

Voilà. A présent, je meurs d’envie d’aller à Wakayama chercher la maison d’Hana, marcher le long du fleuve Ki, si cher à son coeur, manger des kakis de Kudoyama.

C’est malin. 

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