« Celui qui veille », de Louise Erdrich, publié en 2020 aux Etats-Unis (« The night watcher »), sorti en France en janvier 2022, prix Pulitzer.
Les forêts, la neige, les lacs, les ours, les cabanes de bois où s’entassent les familles autour du feu.
Odeurs de soupe, de ragoût qui mijote, de pain bannique qui dore, d’herbes médicinales qui infusent.
La famille, la solidarité, la débrouille, la joie et la simplicité, mais aussi la misère, l’alcool, la violence et le désespoir.
Louise Erdrich nous plonge dans la vie du peuple dont elle est originaire, les Indiens chippewas, dans les réserves du Dakota des années 50, dans un monde qu’elle a connu dans son enfance, auprèsxde ses grands-parents.
Les Indiens commencent alors à se mélanger aux « blancs », école, travail sous-qualifié sous-payé, mais vivent toujours selon leurs traditions ancestrales malgré les tentatives de conversion. Leur identité est négligée, bafouée.
Louise Erdrich nous raconte l’histoire de Thomas, qui se bat pour tenter de conserver les acquis de son peuple. Thomas s’inquiète d’un nouveau projet de loi qui vise la récupération des terres de la réserve par l’État, qui pourrait bien le mettre à la rue, ainsi que toute sa communuté qui déjà survit comme elle le peut.
Alors Thomas, veilleur de nuit à l’usine du coin après ses journées passées à exploiter son petit terrain pour faire vivre sa famille, passe ses nuits à lire, écrire sur le sujet. Peu à peu, Thomas va monter une délégation pour aller plaider la cause de son peuple à Washington. Thomas était le grand-père de Louise Erdrich, quel bel hommage elle lui rend…
Parallèlement, on suit une nièce éloignée de Thomas, Patrice, qui travaille à l’usine pour faire vivre sa mère et son petit frère, son père alcoolique étant tout le temps en vadrouille, ne revenant que pour soudoyer de l’argent et violenter sa famille. Patrice s’inquiète pour sa soeur, partie tenter sa chance à Minneapolis, mais qui ne donne aucune nouvelle. Patrice sent qu’il lui est arrivé quelque chose et va se donner les moyens d’aller la rechercher.
Thomas et Patrice, deux personnages simples et puissants, plongés dans les affres de la condition de leur peuple, qui font passer leur famille et leur communauté avant eux, qui s’interrogent en profondeur sur leurs racines tout en s’ouvrant au monde moderne. Deux magnifiques personnes qu’on prend grand plaisir à suivre.
Quelle chouette immersion dans ce monde rude et beau, envoûtant par ses traditions et croyances, entraînant par la plume précise, limpide et très tendre de Louise Erdrich. Une histoire passionnante, une bonne évasion culturelle. J’ai aimé.